Les réflexions d’Eliot

Suite au chemin romain de la Régordane, Eliot fait souvent référence à cette population.

En quittant le bord de mer, Eliot demande :

– Maman, les romains, y passaient sur ces chemins ?

– Peut-être, répond maman, tu crois qu’ils allaient se baigner dans la mer ?

– Oui, sûrement, dit Eliot, et ils allaient aussi au camping.

– C’est aussi les Romains qui ont fait la place de jeu ?

En quittant les canaux et Port-la-Nouvelle, nous reprenons des grimpées et des descentes dans la garrigue. Maman relève :

– C’est moins plat que le canal ! En fait, il y a peu de choses aussi plat qu’un canal !

– Il y a le bord de mer ! répond papa.

– Et encore, réplique maman, la mer est plate, le bord pas toujours.

– La mer est pas plate, il y a les vagues, affirme Eliot.

Dans une épicerie de village, Eliot croise une dame et lui dit :

– Bonjour Madame.

– Bonjour, répond-elle.

– Je dis toujours bonjour aux gens, réplique Eliot.

– Et bien ! C’est très poli, dit la dame.

– Mais les gens y répondent pas toujours, répond Eliot.

– Ca, c’est moins poli, conclut la dame.

Maman montre un arbre à Eliot en expliquant que c’est un cyprès, un arbre souvent tout droit et long. Après réflexion, Eliot dit : « les cyprès, c’est parce qu’il sont tout près, sinon, c’est des cyloin ! »

En parlant avec Eliot de l’histoire des châteaux forts, Eliot demande : « Tu crois qu’ils habitaient encore dans les châteaux quand ils étaient en ruine ? »

Un soir qu’Eliot allait au lit plus tard, nous lui montrons les étoiles, en essayant de lui faire voir la grande ourse. Le lendemain, il y a beaucoup d’humidité sur la tente et dans le pré. Après réflexion, Eliot affirme : « la rosée, c’est seulement quand il y a la grande ourse ! »

Sur un magnifique sentier, nous discutons que ce doit être un chemin de muletiers, qu’à l’époque, ils ont eu beaucoup de travail pour le réaliser, car il y a de petits murets sur le côté et dessous pour pouvoir passer. Eliot, qui écoute tout et veut participer à la conversation, dit : «  oui oui, les romains (encore eux !), y z’ont fait ce chemin, à l’époque, et ils passaient par là. » Puis il s’arrête et demande : « papa, c’est où à l’époque ? »

En terre catal’âne

Nous poursuivons le canal du midi, avant de prendre celui de la Robine à Sallèles-d’Aude. Ces canaux sont bien tranquilles, extrêmement plats, la major partie du temps ombragés de platanes ou de pins. Après Narbonne, les arbres se raréfient. A l’approche de Port-la-Nouvelle, nous entrons dans une réserve naturelle. Le canal est bordé d’étangs et le paysage ressemble étrangement à la Camargue. Le temps est beau et chaud à part une journée pluvieuse.

Nous prenons quelques jours de repos à Port-la-Nouvelle, dans un camping à 5 min de la mer, avec piscines chauffées, toboggans et magnifique place de jeu comme nous n’en avons jamais vu. Eliot se régale entre l’eau et les jeux.

Décision est prise, nous quittons le bord de mer pour entrer dans les terres et suivre le sentier cathare à l’asseau des châteaux forts. Fini l’herbe tendre des canaux, ici c’est la garrigue avec ses buissons épineux et secs. Les ânes sont moins bien servis, quoiqu’un peu de sec leur va aussi. Fini le plat, nous retrouvons les montées et les descentes sous la chaleur moite des jours avant l’orage. Mais la sueur vaut la peine, car la vue est belle du haut des montagnes et longtemps encore nous pouvons apercevoir la mer.

Ce tronçon du voyage est marqué par de nombreuses rencontres. A Roquefort-sur-Corbière, nous partageons un bon moment avec nos voisins Marc et Joss, pendant qu’Eliot joue au trampoline avec Thomas et Maïlys.

Le sentier est très bien signalé par des bandes de couleur bleu et jaune. Il est parfois rendu difficile par la pente et les rigoles causées par le ruissellement de l’eau.

Le chemin cathare nous emmène de châteaux en châteaux, en allant crescendo. D’abord le château de Durban à usage agricole, que nous visitons après une nuit pluvieuse.

Puis, avant Tuchan, nous montons au château d’Aguilar, utilisé par les Cathares. En effet, il n’y a pas, à proprement parlé, de château cathare, car les châteaux existaient déjà avant leur arrivée. Au loin, l’orage gronde, mais nous resterons au sec.

Plus haut et plus beau, le château de Quéribus nous offre une vue époustouflante sur les Pyrénées et la Méditerranée. Le vent est tellement violent qu’à la porte d’entrée du château, il faut bien se tenir pour ne pas perdre l’équilibre.

Le village de Cucugnan, connu par son curé, nous raconte un peu l’histoire des cathares. Ces chrétiens, considérés comme hérétiques par l’Eglise Catholique, furent poursuivis et, pour beaucoup, brûlés vifs en raison de leur foi différente. Histoire sombre qui imprègne cette région de l’Aude.

Encore plus haut, plus majestueux et particulièrement bien conservé, le château de Peyrepertuse se confond avec les rochers. Difficile d’imaginer se promener à l’intérieur des murs et, pourtant, un sentier dans la montagne nous y emmène. C’est un vestige du XIe siècle qui nous ouvre ses portes et les ruines nous murmurent des histoires de chevaliers.

A Duilhac-sous-Peyrepertuse, nous quittons le sentier cathare direction le sud et les Pyrénées. Plus nous avançons à l’intérieur des terres et dans les montagnes, plus le paysage change.

La garrigue, les oliviers et les nombreuses vignes laissent doucement la place à des arbres plus grands, comme le frêne, l’acacia, le châtaigner, le hêtre, le chêne, le bouleau, le noisetier… Eliot se plaît à reconnaître ces arbres et développent un bon sens de l’observation. Il y l’œil très aiguisé pour trouver les couleurs du balisage des GR (bandes de peinture sur les arbres ou les rochers).

A la sortie du village de Duilhac, nous faisons connaissance avec Bastou et Laetitia, accompagnés de 2 chevaux, d’une pouliche de 3 mois et de 2 chiens. Ils se baladent sur ces sentiers et nous voyagerons durant quelques jours ensemble.

Le soir même, à St-Paul-de-Fenouillet, nous dormons chez leurs amis. Nous recevons une belle leçon de vie en compagnie de Line, Jesko et leur petit garçon Décembre. Ils ont beaucoup voyagé à pied et vivent à présent sous un tipi, très simplement, en cultivant leur terre. L’après-midi sera utilisée pour faire du jus de raisin comme à l’époque, avec les pieds et les mains, et il est excellent. Le soir, c’est pizzas au feu de bois cuites dans un four creusé à même la roche : mmm un délice. Nous passons un super moment. En les quittant, nous avons l’impression d’être riches avec tout notre matériel.

A Trilla, une pluie diluvienne s’abat sur nous juste après le pique-nique. Après 5 min, trempés, nous rebroussons chemin pour nous abriter au village et retrouvons Bastou et Laetitia. Ils se sont installés chez Monica, une anglaise, qui vit dans une ancienne cave à vin. La soirée est bien agréable, dans une ambiance anglophone, car 2 écossaises vivent chez elle quelques temps pour vendanger.

A Vinça, nous rencontrons Eldée, qui a fait le chemin de Compostelle au printemps et vit au camping avant de se trouver un logement. Plus nous allons vers le sud, plus les montagnes sont hautes. A Ballestavy, Janne et Job nous mettent un bout de terrain à disposition. Nous disons au-revoir à Bastou et Laetitia et continuons seul vers Batère, à 1’400 mètres.

Actuellement, à Arles-sur-Tech, nous prenons les renseignements pour passer la frontière espagnole et descendre tranquillement en direction de Tarragone. Nous allons bientôt dire au-revoir à la France.

 

Souvenirs et paroles d’Eliot

J’ai plus ma baba (sucette) car elle est cassée à cause que je la mords. Je l’a donné à la petite souris et mes dents se resserrent bien. J’ai reçu une surprise et des sous que je mets dans mon porte monnaie. Je l’ai reçu comme surprise quand j’ai mangé des frites avec un steak haché et des légumes. Maman, elle demande toujours des légumes pour moi au restaurant. Il y avait des smarties dedans (le porte-monnaie).

Les piscines, des fois, elles sont chaudes, alors je fais pleins de plongeons. Si l’eau est froide, je saute pas. Dans la mer, j’ai bu la tasse une fois et elle est salée, c’est vrai, et j’aime joué au sable. On a couvert les jambes de marraine et elle était pleine de sable. Et Christophe, il en a mis partout aussi.

Une autre fois, la piscine était chaude et j’ai mis la tête sous l’eau pour nager. Au camping de Côte Vermeille, il y a une belle place de jeu avec une maison tout de biais et un gros toboggan rouge fermé tout autour. Grand-papa y fait du tam-tam quand je descends.

Au bord du canal, je fais toujours bonjour au gens des bateaux. Mais des fois ils ne répondent pas. Des fois oui, et des fois non. Il y a des bateaux de toutes les couleurs, des beaux. Les rouges, c’est ceux qui vont sur les rivières et les bleus, ils vont à la mer. Il y a en a même qu’on peut dormir dedans. Une fois, quand j’étais avec grand-maman et grand-papa, on est entré dans une péniche supermarché et on a acheté du pain.

Sur le canal du Midi, j’ai vu ma première écluse. Les bateaux y vont dedans et l’eau elle monte et elle descend avec les bateaux.

Ici au camping des peupliers, il y a une super douche pour les enfants et aussi des toilettes petites. J’ai fait une sieste après-midi pour aller voir un feu d’artifice le soir au village. Il y aura un musicien et peut-être des jongleurs, peut-être !

Quand grand-maman et grand-papa sont arrivés, je va dans le camping car tous les jours avec eux. On va dans les places de jeux. Une fois, on voulait louer un bateau pour aller trouver papa et maman. On a fait tous les offices de tourisme et tous les campings, personne y louait des bateaux. Alors, on a été en vélo, moi j’étais sur le porte bagage de grand-papa, avec un coussin pour que ça fasse moins mal.

Un jour, maman dit : « Eh, il y a la poste. En plus, il y a un postomat. » Je demande, ici il vende des tomates à la poste ? ». (En Suisse, un postomat est un distributeur de billet de la poste).

On est de nouveau à la mer. Avec le vent, j’ai pu faire aller le cerf-volant que grand-papa a dans le camping car. Je l’ai tenu tout seul et il est allé très très haut.

Demain, je va aller de nouveau avec les ânes et je va visiter des châteaux avant d’aller en Espagne. Dis maman, on dit comment une place de jeu en espagnol ?

La vie est un long canal tranquille

Le 15 août, nous quittons St Gilles et rejoignons le « canal du Rhône à Sète ». Comme son nom l’indique, il nous mènera jusqu’à Sète, sur un chemin plat de chez plat. C’est la Camargue et la garrigue, les taureaux noirs et les chevaux blancs, les moustiques et le soleil, les marais et la mer.

A Aigues-Mortes, nous faisons une bonne halte et profitons de la piscine chauffée. La fête médiévale de St Louis nous entraîne quelques centaines d’années en arrière.

Eliot endosse l’armure de chevalier, le casque et l’épée et participe à la mêlée des enfants. Ouf, c’est une épée sans danger, car certains y vont vaillamment. Après les enfants, place aux « vrais » chevaliers pour un spectacle haut en couleur, en cascades, avec une animation des plus vivantes.

C’est très calme de suivre un canal, l’eau a un effet relaxant, le plat du terrain aussi. La plupart du temps, un bon chemin de verdure ou de cailloux nous fait oublier les routes goudronnées et les voitures. Eliot se plaît à dire bonjour aux bateaux et la plupart des gens le lui rendent bien. Il faut dire qu’avec nos ânes, nous ne passons pas inaperçus.

A plusieurs endroits, le canal traverse un étang. Le chemin est donc entouré par les eaux. Le gros désavantage, c’est les moustiques qui nous dévorent, surtout Sonia, jusqu’à ce que l’on trouve le bon anti-bzzz.

A La Grande-Motte, c’est la joie de voir la mer. L’eau est super chaude : 25°C, alors qu’en juillet, elle frôlait les 16-17 °C. Avec la chaleur de l’air, l’eau est presque trop chaude, mais il faut le dire vite, car se plaindre serait un luxe que l’on ne veut pas se permettre dans cette situation. Ce soir, les ânes sont dorlotés dans les écuries de la police équestre, avec du foin AOC, s’il-vous-plaît.

Par la suite, nous avons plus de peine à trouver un bon accueil pour nos ânes. Plusieurs gérants de camping tolère tout juste que nous entrons avec les ânes pour les débâter à l’emplacement de la tente et ne collaborent pas du tout avec nous pour chercher un morceau de pré (alors que certains campings regorgent de terrain en friche à côté). Exception faite au camping de Riqu’& Zette de Frontignan-Plage où eux-mêmes  téléphonent à la police pour demander un terrain pour nos bourricots. Nous sommes un peu dégoûtés du bord de mer, mais surtout des grands campings tenus par des gérants antipathiques et des discos tous les soirs jusqu’à minuit. Bref, rien ne vaut les bons petits campings familiaux à l’intérieur des terres.

Malgré cela, la mer garde son attrait. Eliot se plaît à jouer avec le sable plus qu’à se baigner. Il est comme son papa, il lui faut de l’eau chaude (la température a un peu baissé depuis les 25°C). Par contre, les vagues et le sel ne lui gêne pas du tout.

A Carnon-Plage, nous retrouvons Laurianne et Christophe pour un compagnonnage de 10 jours. Ce sera pour nous un beau moment d’échange et de partage. Ils ont vécu de l’intérieur les joies et les ras-le-bol, les gestes du quotidien et les petits plaisirs, les questions des curieux et l’amabilité des gens…

Un jour, nous prévoyons de bivouaquer en bord de mer de la commune de Villeneuve-les-Maguelone. En début d’après-midi, personne ne veut se prononcer pour dire si nous pouvons dormir ici (coin de plage avec la maison du gardien et un espace locatif). Vers 16h, tout d’un coup, le gardien décide que nous devons partir dans les 5 min, qu’il risque sa place si nous restons là !! (alors que 2h avant, une dame lui a téléphoné pour signaler notre présence). Comme nous sommes sur la plage, il nous faut une petite demi-heure pour repartir. 10 min après, ce sont les gendarmes qui nous demandent, sur ordre du maire, de quitter les lieux. Gentiment toutefois, mais nous devons faire encore 7 km pour sortir d’une zone de réserve naturelle pour planter la tente. A cet endroit, nous longeons la mer en marchant sur des plages désertes, du pur bonheur si ce n’est un peu de fatigue.

Après la traversée laborieuse de la ville de Sète, nous dormons à la belle étoile sur la plage. Le matin c’est le lever du jour, puis du soleil qui nous réveille, mais nous ne sommes pas déçus : c’est magnifique. Eliot n’a pas aimé se réveiller au milieu de la nuit et voir toutes ces étoiles, ça lui a fait un peu peur.

A Agde, nous quittons le canal du Rhône pour celui du Midi. Autant le canal du Rhône est « nu » et en plein soleil, autant celui du Midi est bordé de platanes qui ombragent le chemin. Cela en fait sa caractéristique. Lors de sa construction, les hommes ont planté 45’000 platanes et cyprès. Malheureusement, nombre d’entre eux ont une maladie que les humains ne savent pas soigner et ils devront les abattre d’ici quelques années. Dommage, car il faudra longtemps pour qu’ils grandissent. Les racines de ces arbres retiennent les berges.

Le canal du Midi entre dans les terres et l’accueil dans les derniers campings est bien  plus sympathiques. Nous sommes aussi en basse saison, cela peut aussi aider.

A Béziers, nous découvrons les 9 écluses de Fonsérane. En fait, il y en a 8, car avant le 19e siècle le canal du Midi traversait l’Orb et il y avait plus de dénivelés. Il y a 2 siècle, les hommes ont réalisé un viaduc sur l’Orb pour faire passer le canal. Oui, oui, le canal passe sur un pont. C’est assez fou, voir un bateau sur un pont !! Le but est de ne pas subir les crues de l’Orb, car le canal doit rester stable quant au niveau de l’eau.

Pour passer ces 8 écluses, il faut 45 min au bateau et c’est tout un mécanisme. Le Canal du Midi a 330 ans et il aura fallu 12’000 hommes (dont 600 femmes) durant 15 ans pour le construire, à la pelle et la pioche, et la brouette n’existait pas encore ! Un travail considérable. Le but était de relier la Méditerranée à l’Atlantique, sans passer par le détroit de Gibraltar.

Question morale, nous avons un petit passage à vide après le départ de Laurianne et Christophe. Le temps est plus gris, Olivier a son dos bloqué. On en a marre de monter et démonter le campement. La suite du chemin est plus incertaine, il y a moins de chemins existants, bientôt un nouveau pays. Bref 1-2 jours comme ça. Mais ça passe et la motivation remonte vite, surtout lorsque l’on se repose 2 jours au même endroit, avec du soleil et une piscine.

Ce 3 septembre 2011, nous sommes à Colombiers. La soir, nous assistons, depuis la berge, à un concert de piano qui a lieu sur un péniche au milieu du canal, avec un feu d’artifice à la fin. C’est magnifique.

La Régord’âne

Nous profitons bien de nos vacances à Bagnols-sur-Cèze avec une immersion en Hollande (le camping compte 98 % de Hollandais). Eliot découvre les joies du canoë, et profite de la piscine, du bord de la rivière, du sable, des cailloux, de saut en trampoline…

Nous avons tous les trois grand plaisir de retrouver nos amis Marie-Laure et Manu, Anita et Philippe, Carina et Stéphane et leurs enfants. Nous profitons bien d’être ensemble, de parler, de jouer… De belles journées et soirées bien sympathiques.

Le 25 juillet, nous retrouvons nos ânes à la Bastide-Puylaurent. Après bien des rencontres et des hésitations, nous décidons de prendre le chemin de la Régordane. C’est un chemin plus historique et plus direct que Stevenson. Cela nous évite aussi de monter et descendre le mont Lozère, sans forcément avoir de vue, selon la météo.

Nous partons de la Bastide avec une météo bien grise, alternant entre nuage et pluie. Cela ne gêne pas du tout Eliot qui s’amuse à sauter dans les gouilles (flaques d’eau) et est heureux de sortir son petit parapluie orange.

Le chemin que nous empruntons est une ancienne voie romaine. Ce chemin a été emprunté depuis la nuit des temps par les animaux, les chasseurs, les nomades… Les Romains n’ont fait qu’aménager une route là où existait une voie, comme une faille du Nord au Sud. Plusieurs cols en favorisent le passage. Par la suite, c’est devenu un chemin de pèlerinage vers St Gilles, grand guérisseur et protecteur des enfants. Certains l’invoquent en cas de stérilité. Est-ce un signe pour nous ? Un petit coup de pouce de St Gilles nous serait bien utile.

Sur ce chemin romain, nous repérons souvent les pierres taillées par les nombreux passages de chars. A certains endroits, ce sont des ornières creusées dans la roche, parfois volontairement pour stabiliser les chariots dans les fortes déclivités, parfois due à l’usure d’un trafic intense.

A Eliot, nous expliquons que ce sont les Romains qui ont construit ces routes, il y a très longtemps. Ce sont les grands-papas de grand-papa de grand-papa… Eliot répond : « ça fait beaucoup beaucoup beaucoup de grands-papas de grands-papas. » Comment peut-il imaginer si loin en arrière, alors que pour nous, c’est déjà difficile ?

Les chemins sont très agréables et les paysages magnifiques. L’arrivée à la Garde-Guérin nous invite à une halte.  Cet ancien village médiéval est superbement bien rénové et une visite s’impose. Un énorme nuage noir est sur nos têtes, mais il passera en nous laissant au sec pour cette fois.  Nous montons à la tour « à nos risques et périls », comme l’annonce une affiche. Effectivement, la montée est un peu scabreuse, mais la hauteur nous offre une vue grandiose sur les Cévennes et les gorges du Chassezac.

Nous avons la chance de passer à Villefort le jour du marché. Sonia se régale de fruits et légumes frais, Olivier de bons saucissons et fromages. Pour Eliot, ce sera des bulles de savon. Quand nous passerons avec les ânes, tous les regards seront tournés sur nous, plutôt sur les ânes et sur Eliot perché sur son siège.

Nous traversons de magnifiques forêts de châtaigniers. Une dame nous racontait que dans son enfance, les châtaignes étaient dans de nombreux plats, en soupe, tarte, sauce, pain…  Ils constituaient l’aliment de base du pauvre dans les Cévennes. Plus loin, ce sera les grands pins avec des énormes pives (pignes comme ils disent ici) ou pommes de pin. (Si je n’étais pas à pied, j’en ramènerais plusieurs !).

Dans la montée au col de Portes, deux couples à l’ombre d’une propriété nous proposent de l’eau et du melon. Un brin de causette bien sympathique. Pour le coup, Eliot ressort son harmonica et joue un morceau pour remercier ces gens. Ces derniers nous annoncent qu’il y a une fête médiévale au Château de Portes.

Nous nous empressons d’y arriver pour admirer « les portes du temps » : combats de chevaliers, tire à l’arc et déguster un bon vin d’Hypocrasse. Eliot est tout impressionné. Ce château médiéval a reçu des ajouts à la Renaissance et au XVIe siècle, dont un angle de mur très aiguë, qui lui confère une allure de bateau. La vue sur les Cévennes est très belle et porte jusqu’au mont Lozère.

Cette région a fortement été marquée par l’exploitation de mines de charbon. A Portes, cela a causé de grandes fissures au château et l’effondrement d’une partie du village. A Alès, nous visitons une ancienne mine de charbon construite pour l’apprentissage des professions de la mine. Le guide issu d’une famille de minier rend la visite des plus vivantes et nous fait prendre conscience de la difficulté et de la dangerosité de ces métiers miniers.

A Alès, nous faisons une halte pour réparer les sacoches. Une particulièrement a été déchiré en travers, Apollon a forcé sur une branche, la boucle a bien tenue, mais c’est la sacoche qui a morflé. Il y a aussi quelques coutures à renforcer et doubler le bord de la nouvelle couverture de Basil. Nous avons du très bon matériel, mais il souffre comme 10-15 ans d’utilisation normale. Nous avons monté la tente près de 80 fois, nos sacoches et bât ont 80 jours d’utilisations (sans compter les jours avant le voyage). Nous avons dû changer un curseur de fermeture éclair de la tente, recoudre un bout de moustiquaire, changer de souliers pour Olivier. Mais cela se passe bien.

Depuis Alès, nous sommes bien bas en altitudes, vers 150m. Le paysage devient plus plat, les champs se colorent de vignes et d’arbres fruitiers (surtout entre Nîmes et St Gilles). Nous retrouvons Sabine et Roland pour 3 jours. Un puissant orage, avec une forte pluie ne nous épargne pas. La journée de marche avec Sabine est pluvieuse et elle revient le lendemain pour avoir le soleil. Après la pluie, les paysages sont magnifiques, l’air est lavé et les quelques nuages donnent de belles couleurs aux photos.

A Nîmes, nous prenons une pause pour visiter cette ancienne ville romaine : sa maison carré, son amphithéâtre, sa cathédrale et sa vieille ville. Nous avons enfin pu trouver un maréchale ferrant pour parer les sabots des ânes. Nîmes est une des villes les plus chaudes de France, mais la température est bien en dessous des normes.

Sur la route de St Gilles, un couple nous propose leur terrasse pour pique-niquer. Eliot dit : « ils sont gentils les gens, ils nous donnent de l’eau et du sirop avec des glaçons. On est gâté. Et il y a des pèches pour le dessert. »

St Gilles est en fête le week-end de notre arrivée. Nous avons droit à une abrivado, des cavaliers amènent des taureaux à travers les rues, jusqu’aux arènes et des jeunes essayent d’attraper le taureau. Nous visitons la magnifique abbatiale avec sa crypte qui renferme le tombeau de St Gilles. Au Moyen-Age, St Gilles était un haut lieu de pèlerinage et un passage vers les 3 autres pélerinages : St Jacques de Compostelle, Rome et Jérusalem.

Petites anecdotes et réflexions

Au barrage du lac de Villefort, Olivier dit : « c’est presque aussi beau qu’un barrage suisse ! ». Cela fera bien rire des touristes à côté de nous.

Un matin, dans les gestes du rangements des affaires, Eliot me dit : « maman, je peux pas t’aider, car je brosse les ânes ! » C’est tout simplement délicieux et cela montre son envie de nous aider.

Quand nos ânes sont au parc, ils reçoivent de nombreuses visites de toutes sortes. Par contre, nous devons être vigilants quant à ce que les gens leur donnent à manger. Le pire qu’on a vu, c’est du bacon. Il faut être un krutmowutz pour donner du lard grillé aux ânes !! Ils ne sont pas carnivores ! D’où vient ce besoin de nourrir les animaux de n’importe quoi ?

Eliot sait de mieux en mieux reconnaître les arbres le long du chemin : chêne, être, châtaignier, noyer, cerisier, thuya, … Un jour, en passant à côté d’un jardin, il nous annonce fièrement : « l’arbre qui donne les tomates, c’est un tomatier ! »

 

Nous avons une chance inouïe depuis le départ de notre voyage avec une météo favorable. Bien du soleil en avril et mai. Un peu de pluie en juin et juillet, juste ce qu’il faut pour reverdir les prés qui sont normalement tout secs en été au sud. Moi qui craignais d’être au sud en juillet-août pour trouver à manger aux ânes, pour le moment, nous n’avons pas eu de problème. Les champs de céréales déjà labourés sont habituellement beaux secs, mais cette année, ils sont tout vert de mauvais herbes.

Nous retenons parfois des leçons du chemin. Par exemple, les gens sont parfois avides de nous donner des conseils sur la suite à prendre. Malheureusement, il faut parfois s’en méfier, car ils font le trajets en voiture et non à pied, ce qui fausse leur appréciation des distances (2km dure vite plus d’1h) et du type de chemin possible (route goudronnée ou petit sentier méconnu).

Les aléas du chemin

Basil : « Peuchère, mes amis, quel chemin. Et quel détour. Avant une bourgade (St André-Cap-Cèze), mon bougre de compagn’âne nous oblige tous à faire demi-tour. Il ne veut pas passer un endroit entre deux rochers. D’accord, il est un peu étroit, mais moi, je l’ai passé facilement. Lui, Apollon, on dirait qu’il patauge dans le yaourt, ses sabots glissent  et il panique. Heureusement, la maman a vite pu descendre le gamin, car ça bougeait plus que dans un manège. Il devait pas aimer ça, car il hurlait. Mais je crois pas qu’il n’a eu du mal.

Même débâté, Apollon ne veut pas passer. C’est un bourricot de la plaine, pas de la montagne. Bon, c’est lui qui porte le petit, je vais pas m’en plaindre. Et voilà, que nos maîtres nous font faire demi-tour. Je les entends parler et comprends quelques mots comme : « passage difficile plus loin, prudence, débâter à nouveau, attention. » Bon, c’est vrai que le chemin plus bas est meilleur. Mais leur panneau qui signale ce chemin, les gens auraient pu le mettre à la bifurcation, pas après le passage difficile. Paroles d’ânes »

Apollon : «  Moi, je veux vous parler d’une journée de goudron, sacrebleu et quelle montée. A une croisée, nos maîtres parlent de raccourcis par la route. Bon, jusque là, pourquoi pas. Mais les 2-3 km de routes durent en fait plus d’1h30 de marche, sur du goudron, sous le soleil et en montée. Bon, heureusement, le gamin fait la sieste chez son père. Vous savez, nous les ânes, nous connaissons aussi la loi de Murphis. Quand tout va mal, tout va encore plus mal. Car en fait de raccourcis, c’est un détour. C’est à une croisée de route que nos maîtres décident enfin de nous laisser brouter un peu à l’ombre d’un cerisier. Quel festin pendant qu’ils essayent de savoir où nous sommes.

Nous les ânes, nous ne sommes jamais perdus, tant qu’il y a de l’herbe bien tendre. J’entends dire que le GPS est en panne, que l’humain ne trouve pas les piles rechargées et qu’en plus cette route que nous avons pris ne figure pas sur la carte du guide. Cette nouvelle route qu’ils disent, un gars du village dit qu’elle a 20 ou 30 ans! Il pourrait au moins mettre des cartes récentes dans les guides pour éviter aux âniers de faire des âneries en prenant des raccourcies. Car en plus, ils nous font faire à nouveau 2 km pour rejoindre le « vrai » chemin. Quelle journée mes ânis. »

Basil : « Nos bourreaux sont redevenus des âniers digne de ce nom. Ils nous ont enfin remis un parc où l’on peut se promener un peu. Bon, vous me direz que l’on se promène toute la journée et vous avez raison. Mais un peu plus d’espace pour se rouler et se reposer nous fait du bien. Ils ont laissé les chaînes aux Romains. Par contre, ils nous ont mis de l’électricité, quelle affaire cette histoire, pas drôle pour nos museaux si sensibles. »

Apollon : « Nous avons fait une bonne farce à notre maître. Il était venu pour nous déplacer le parc et nous donner plus d’herbes. Mais cette ouverture du parc, c’était tellement tentant. Alors quand mon comparse a pris ses pattes à son cou, je me suis empressé de le suivre. Notre Olivier essaye de nous rattraper, mais il devra faire 3 fois le tour du camping pour nous choper. Et même que pour sa fierté, c’est la petiote qui nous a attraper. Bon, on s’est bien défoulé et tous les gens sortaient de leur cabane en dure ou en toile pour nous voir passer. Quelle popularité ! »

De vallées en plateaux

Nous profitons bien de notre séjour à Die. Le samedi, nous assistons à la grande transhumance des moutons à travers les rues de la ville, c’est très impressionnant, il y en a environ 5’000. La piscine municipale à côté du camping reçoit notre visite quotidienne et ça nous fait le plus grand bien.

Nous partons le dimanche 26 juin. En fait, quand je dis nous, c’est Olivier et Sonia, car Eliot est resté en vacances 2 jours avec ses grands-parents. Nous profitons pour avancer un peu (20 et 25 km), car nous avons 2/3 d’asphalte. En plus, nous souffrons un peu de la chaleur, il fait 35°C à l’ombre. Mais, me direz-vous, pourquoi se tenir à l’ombre quand il fait bien plus chaud au soleil !!

Un dernier regard sur le Vercors…

Eliot nous rejoint à Crest. Ensuite, le chemin est joli le long de la Drôme et nous entrons dans la « Réserve naturelle des Ramières du Val de Drôme ».

Cette fois, nous sommes souvent à l’ombre des arbres. Heureusement, car la chaleur est torride. Nous essayons de partir plus tôt le matin et de marcher jusque vers 12h- 13h. Après, nous profitons de nous poser à l’ombre et de nous baigner.

A la Voulte-sur-Rhône, il y a les retrouvailles familiales avec les parents de Sonia, son frère et Pauline. Sébastien nous concocte de  magnifiques brochettes hautes en couleur et en goût et Eliot l’aide avec beaucoup de plaisir.

Nous passons de la vallée de la Drôme à celle de l’Eyrieux en traversant le Rhône.

Depuis la Voulte jusqu’au Cheylard, nous suivons l’ancienne voie de chemin de fer, avec ses ponts et tunnels, convertie en chemin pédestre. A part quelques tronçons en goudron, tout le reste est un beau chemin très agréable, ombragé, avec de magnifiques points de vues sur la rivière. Nous entrons dans le « Parc naturel régional des monts d’Ardèche » et à ce titre, une bonne partie du chemin est en rénovation. Nous profitons d’un séjour à St Sauveur-de-Montagut chez Ida et Daniel pour faire deux jours de repos, mais aussi lessive et quelques travaux sur les bâts.

En effet, depuis quelques jours, Basil nous fait de drôles d’âneries : il se plante au milieu de la route et ne veut plus avancer, ou il fait soudain un écart pour on ne sait quoi, ou encore il résiste et recule pour passer ponts et rivières, alors qu’il les passait très bien avant.

Nous décidons de changer le siège d’Eliot pour le mettre sur Apollon et cela se passe très bien. Il faut dire qu’Apollon s’est bien amélioré, si on peut dire. Il est plus doux, docile, ne saute plus quand il y a un passage difficile et passe très facilement ponts et rivières.

Au Cheylard, après avoir fait le plein de provisions, nous grimpons à plus de 1’000-1’200 mètres pour marcher sur les crêtes. Le paysage est grandiose. Aux ruines du Château de Brion, la vue s’offre à nous sur presque 360° sur tous les monts et vallées aux alentours : époustouflant.

Durant une semaine de marche, nous resterons sur ces crêtes. Nous rencontrons très peu de petits hameaux et presque personne. Nous avons l’impression d’être seul à marcher sur ce superbe chemin du GR 420, puis GR 7. Il faut dire que depuis plus de trois mois que nous avançons, nous avons rencontré très peu d’autres marcheurs, sauf exception dans le Vercors.

Ici, les champs souffrent aussi de la sècheresse. Un paysan nous confiait avoir ramasser la moitié moins de foin que l’année dernière.

La température est agréable, il y a souvent du vent pour nous faire du bien et nous arrivons à passer entre les gouttes de pluie. Nous avons droit à 2 belles averses, orage et même grêle, mais ces deux soirs-là, nous sommes à l’intérieur. Heureusement, enfin pour Sonia, car Olivier aime bien les orages sous tente.

Après cette bonne semaine sur les plateaux d’Ardèche, Eliot retrouve des places de jeux qui lui font grand plaisir. Il devient comme nous, à se réjouir comme un fou pour « peu de choses », pour un simple toboggan et 2 balançoires. C’est fou aussi comme il se lie facilement aux autres enfants. Il les observe un moment, se met tout près et, selon le contexte, parle ou joue avec eux. Nous sommes toujours dans le coin et aidons un peu. Mais de lui-même, il fait souvent le premier pas. Il faut dire que le reste du temps, il est avec 2 adultes et 2 ânes, alors, dès qu’il voit un autre enfant, il en profite pour jouer avec.

Un matin, Apollon nous fait une ânerie (chacun son tour me direz-vous). Eliot marche et tient Apollon avec Sonia. Tout d’un coup, sans crier garde, les deux âniers se retrouvent les deux pieds en l’air, avec un âne qui coure dans le pré à côté. Sonia a vite fait de prendre Eliot, qui se met à pleurer, dans ses bras. Nous vérifions qu’il va bien et pendant ce temps, Apollon revient gentiment vers nous. En fait, il a été surpris par un âne dans le pré à côté (ce que l’on suppose) et à détaler. Comme quoi, avec les ânes, rien n’est jamais acquis. Eliot, lui, ne fait pas cas et monte sur Apollon sans aucune crainte.

Nous prévoyons de faire une halte à la Bastide Puylaurent, mais déchantons vite. Nous trouvons le village pas très accueillant, une femme antipathique dans un gite bien cher nous fait renoncer et dans un autre, il n’y a pas de place pour les ânes. Basta, nous faisons encore 2 km d’une journée déjà bien chargée pour aller au camping. Nous y serons bien, un peu frais toutefois : 7°C le lendemain matin, avec grosses averses toute la nuit.

Nous quittons pour 10 jours les cailloux du chemin et la compagnie des ânes pour nous reposer et rejoindre trois familles d’amis qui viennent nous trouver à Bagnols-sur-Cèze. Moment propice de repos pour tout le monde, humains et ânes, avant d’entreprendre la suite du chemin de Stenvenson ou peut-être celui de Régordane, on ne sait pas encore.

Eliot raconte

Le voyage continue.

J’ai été dans plusieurs piscines. Une qui avait un toboggan et j’allais tout seul avec papa ou maman ou grand-maman. On allait vite vite vite. Et une autre fois, j’ai fait des plongeons dans l’eau, mais seulement parce qu’elle était chaude.

Un jour, on a dormi chez des gens et la dame, c’était la maman de parrain. On était dans l’Eyrieux et c’était bonnard. Au bord de la rivière, Daniel (c’est le papa de parrain) a pris un filet pour attraper du poisson et moi j’ai pris un bidon. Il y avait pleins de petits poissons que j’attrapais. Maman a attendu longtemps et même qu’elle a pris un gros poisson. Mais, quand même on l’a remis à l’eau, parce qu’il était trop petit pour le manger. On a marché sur une ancienne voie de chemin de fer où il y avait les trains avant.

Une fois à midi, on s’est assis à une table. Une dame est venue et je lui ai donné un bonbon. Plus tard, elle est revenue. Elle a apporté du pain et des bonbons. Elle est gentille la dame, on est gâté.

Dans l’Ardèche, j’ai mangé pleins de fraises des bois, des framboises et des cerises des bois. Une fois, j’ai pu les attraper depuis sur Apollon (maintenant, je va sur Apollon, parce que Basil y fait le coquin). Et Apollon, il mangeait aussi les branches avec les feuilles et les cerises pis tout pis tout. Les noyaux craquaient sous ses dents. C’était rigolo.

Une fois, on a dormi dans une chambre d’autres (d’hôtes) et j’ai pu sauter sur le lit. J’avais un vrai lit et j’ai même pas tombé du lit. Maman fait la lessive et elle écrit sur un carnet de bord. Je me suis couché sous le duvet pour regarder Milo et les histoires du père castor. Moi, j’ai un sac à dos avec une baba, lapinou et un pyjama. C’est mes affaires pour la nuit.

J’ai aidé papa à faire des modifications au bât et j’ai planté des bouts de bois avec un marteau. J’aide souvent à ranger la tente et les autres choses.

J’ai tiré Apollon longtemps et je dis hue pour qu’il avance. Il a bien marché. C’est moi tout seul qui le tiens, d’une main je tiens la longe et de l’autre je tire pour qu’il avance, parce qu’il faut pas qu’il mange quand on marche.

Un jour, Apollon a vu un agneau tout petit et tout seul. Papa a dit qu’il n’allait pas passer la nuit et j’ai eu peur que le renard vienne. Au village, avec maman, on a frappé à toutes les portes pour demander de l’eau et moi pour dire que l’agneau était tout seul, mais personne était là. Plus tard, on a vu le paysan et papa lui a dit et on a vu que les autres moutons étaient près de l’agneau. Ouf.

Avec papa, on a fait un cairn dans un champ pour montrer le chemin. Un cairn, c’est des cailloux les uns sur les autres.

On a vu une super éolienne, j’ai pu la toucher et elle était géante. Elle touchait le ciel. Parfois elle tourne et parfois elle s’arrête. Mais les autres à côté, elles tournent toutes.

Un soir, on voulait s’arrêter dans un gite. Maman était contente, car il y avait une douche et moi pour sauter sur les lits. Mais le gite était fermé depuis longtemps, alors, papa a dit qu’on allait planter la tente devant le gite fermé.

Coup de coeur au Vercors

Après un séjour à St Hilaire du Touvet assez maussade, la descente par le sentier du facteur se fait par un lundi ensoleillé. Heureusement que nous avons été conseillés par un couple d’ânier, Bernard et Martine, ayant fait le chemin avec leur âne, car sinon, nous aurions fait marche arrière. Le sentier passe dans la face de rocher et se fraie un passage assez large, sans toutefois permettre un faux pas. C’est impressionnant, merveilleux et stressant à la fois. Nous sommes contents d’être en bas pour lever la tête et voir le chemin parcouru (cf photo ci-dessous).

Avec les quelques 800 m de descente, la température est plus clémente, mais la météo s’en donne à cœur joie. Le soleil alterne souvent avec la pluie et les nuages. D’autres bestioles nous visitent, dont les moustiques et une espèce de perce-oreilles qui s’engouffre dans nos bagages sans y être invitée. Elles se faufilent partout et ça n’est pas très ragoûtant.

La pluie ne gêne pas du tout Eliot qui se promène sans souci avec sa combinaison de pluie. Cela le stimule même à marcher pour sauter dans les gouilles, pardon, les flaques d’eau, car les Français ne connaissent pas les gouilles. Il veut de plus en plus marcher et cela nous réjouit beaucoup. Il nous faut simplement nous organiser avec les ânes.

Nous longeons ensuite l’Isère par un joli sentier, à côté de la piste cyclable. Celui-ci nous permet de  traverser la périphérie de Grenoble dans un coin de nature et d’arriver directement au centre de la ville. N’ayant plus de vivre, nous prenons la première source d’alimentation à disposition. Elle se présente à nous sous la forme d’un restaurant Indien qui propose un buffet à volonté pour 10 euros. Nous demandons l’autorisation de « parquer » les ânes à côtés de la barrière. Le patron trouve notre expérience tellement génial qu’il nous offre les boissons. En plus d’être une super aubaine, c’est délicieux et nous nous resservons plusieurs fois.

Le 8  juin, la traversée de Grenoble coïncide avec une course cycliste contre la montre du Critérium du Dauphiné, qui bloque le boulevard qu’Olivier avait prévu de suivre. Nous nous en sortons pas trop mal, entre les petites rues, les trottoirs trop étroits avec voitures parquées que l’on risque de griffer, la circulation que l’on bloque. Après quelques détours, nous retrouvons notre boulevard dont le trottoir est bien large. Les ânes sont très obéissants : ils n’ont même pas fait de crottes après le resto. Perché sur son siège, Eliot reste bien tranquille. Bref, la traversée de Grenoble se passe sans encombre, malgré l’appréhension de Sonia des grandes villes.

Nous commençons la montée sur le Vercors, à peu près 800 à 1’000 m de dénivelés, et disons au revoir à la Chartreuse. La ville de Grenoble est encaissée entre ces deux massifs imposants, dont il faut forcément descendre de l’un pour monter vers l’autre.

Le Vercors nous réserve de magnifiques paysages que l’on déguste à pleine vue. Avec l’altitude, la fraîcheur du soir nous fait apprécier les doudounes. Le vent souffle fort durant quelques jours et nous sortons le sac de couchage pour mettre sur le siège à Eliot.

A Villard-de-Lans, nous avons la visite de la marraine -avec Christophe- et du parrain d’Eliot -avec les motards-, venus par hasard à la même date.

Nous prenons toutes les informations avant la grande traversée de la réserve naturelle des hauts-plateaux du Vercors. Cela va nous prendre 5 jours et nécessite une autonomie presque complète, exceptée pour l’eau. Il existe quelques sources dont il faut savoir la position. En plus, nous demandons conseil à un ânier pour être sûr que les ânes passent sur les chemins choisis. Merci à Nicolas pour tes conseils.

La traversée de la réserve est superbe, sauvage et en dehors de toute civilisation. C’est le bonheur. Nous logeons parfois dans des cabanes, ouvertes et mises à disposition des randonneurs contre bon soin. Deux sont très petites, avec seulement un lit superposé, une table et 2 bancs, le tout prévu pour 5 personnes, les lits prévus étant à même le sol.

C’est très rustique, mais charmant, au cœur de la nature. Le paysage est très caillouteux, beaucoup de calcaire, avec des lapiaz creusés par l’eau, des sapins, puis des pins.

Le chemin est indiqué alternativement par les traits rouges et blancs du GR, des cairns et des pins ou sapins dont les branches du bas sont taillées. C’est bien signalé, mais il faut être attentif.

Le GPS nous aide, même s’il ne faut pas s’y fier coût que coût. Il a une fois bogué et nous a fait faire demi-tour pour nous trouver à un point – une source d’eau – que l’on connaissait. Le GPS nous positionne à côté. Une fois éteint et rallumé, il se remet juste et nous pouvons reprendre le chemin une 3ème fois.

La réserve est colorée de multitude de fleurs, le bouton d’or de notre enfance, la gentiane, l’anémone et l’édelweiss. Encore pleins d’autres espèces dont nous ne connaissons pas le nom. Quelques marmottes nous font le plaisir de leurs sorties, mais notre arrivée est vite signalée par les sifflement de leurs comparses.

Dans les cabanes, nous faisons de belles rencontres humaines qui nous invitent au partage et à la confidence : Chrystel et Christophe, Nicolas… Nous avons la chance de voir deux transhumances de moutons. Une fois sur la plaine de la Chau où la bergère nous annonce l’arrivée de 1’800 moutons alors que nous rangeons la tente. Eliot est tout fou. « Youpi » dit-il, avec toutefois un peu d’appréhension. Deux jours après, dans la descente vers Die, nous croisons la route de 1’200 moutons qui montent à l’alpage.

Nous avons fêté l’anniversaire d’Olivier à la cabane des Aiguillettes, point le plus haut de notre itinérance perché à presque 1’850 m. Fête improvisée avec 3 madeleines et quelques bougies trouvées sur place, du bonheur à l’état pur, embué légèrement par le brouillard.

Nous retrouvons la civilisation dans la descente vers Die, ainsi que les retrouvailles avec les grands-parents d’Eliot et les bonnes bouffes. Nous faisons honneur à la Clairette et attendons avec plaisir la fête de la transhumance samedi 25 juin. Les ânes ont trouvé un endroit de rêve pour les quelques jours de repos. Eliot a trouvé une copine de jeu en la personne de Mathilde, une petite cousine, qui est là avec ses grands-parents pour voir la transhumance. Le soleil nous permet de faire sécher toutes les affaires humidifiées par la pluie.