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La Régord’âne

Nous profitons bien de nos vacances à Bagnols-sur-Cèze avec une immersion en Hollande (le camping compte 98 % de Hollandais). Eliot découvre les joies du canoë, et profite de la piscine, du bord de la rivière, du sable, des cailloux, de saut en trampoline…

Nous avons tous les trois grand plaisir de retrouver nos amis Marie-Laure et Manu, Anita et Philippe, Carina et Stéphane et leurs enfants. Nous profitons bien d’être ensemble, de parler, de jouer… De belles journées et soirées bien sympathiques.

Le 25 juillet, nous retrouvons nos ânes à la Bastide-Puylaurent. Après bien des rencontres et des hésitations, nous décidons de prendre le chemin de la Régordane. C’est un chemin plus historique et plus direct que Stevenson. Cela nous évite aussi de monter et descendre le mont Lozère, sans forcément avoir de vue, selon la météo.

Nous partons de la Bastide avec une météo bien grise, alternant entre nuage et pluie. Cela ne gêne pas du tout Eliot qui s’amuse à sauter dans les gouilles (flaques d’eau) et est heureux de sortir son petit parapluie orange.

Le chemin que nous empruntons est une ancienne voie romaine. Ce chemin a été emprunté depuis la nuit des temps par les animaux, les chasseurs, les nomades… Les Romains n’ont fait qu’aménager une route là où existait une voie, comme une faille du Nord au Sud. Plusieurs cols en favorisent le passage. Par la suite, c’est devenu un chemin de pèlerinage vers St Gilles, grand guérisseur et protecteur des enfants. Certains l’invoquent en cas de stérilité. Est-ce un signe pour nous ? Un petit coup de pouce de St Gilles nous serait bien utile.

Sur ce chemin romain, nous repérons souvent les pierres taillées par les nombreux passages de chars. A certains endroits, ce sont des ornières creusées dans la roche, parfois volontairement pour stabiliser les chariots dans les fortes déclivités, parfois due à l’usure d’un trafic intense.

A Eliot, nous expliquons que ce sont les Romains qui ont construit ces routes, il y a très longtemps. Ce sont les grands-papas de grand-papa de grand-papa… Eliot répond : « ça fait beaucoup beaucoup beaucoup de grands-papas de grands-papas. » Comment peut-il imaginer si loin en arrière, alors que pour nous, c’est déjà difficile ?

Les chemins sont très agréables et les paysages magnifiques. L’arrivée à la Garde-Guérin nous invite à une halte.  Cet ancien village médiéval est superbement bien rénové et une visite s’impose. Un énorme nuage noir est sur nos têtes, mais il passera en nous laissant au sec pour cette fois.  Nous montons à la tour « à nos risques et périls », comme l’annonce une affiche. Effectivement, la montée est un peu scabreuse, mais la hauteur nous offre une vue grandiose sur les Cévennes et les gorges du Chassezac.

Nous avons la chance de passer à Villefort le jour du marché. Sonia se régale de fruits et légumes frais, Olivier de bons saucissons et fromages. Pour Eliot, ce sera des bulles de savon. Quand nous passerons avec les ânes, tous les regards seront tournés sur nous, plutôt sur les ânes et sur Eliot perché sur son siège.

Nous traversons de magnifiques forêts de châtaigniers. Une dame nous racontait que dans son enfance, les châtaignes étaient dans de nombreux plats, en soupe, tarte, sauce, pain…  Ils constituaient l’aliment de base du pauvre dans les Cévennes. Plus loin, ce sera les grands pins avec des énormes pives (pignes comme ils disent ici) ou pommes de pin. (Si je n’étais pas à pied, j’en ramènerais plusieurs !).

Dans la montée au col de Portes, deux couples à l’ombre d’une propriété nous proposent de l’eau et du melon. Un brin de causette bien sympathique. Pour le coup, Eliot ressort son harmonica et joue un morceau pour remercier ces gens. Ces derniers nous annoncent qu’il y a une fête médiévale au Château de Portes.

Nous nous empressons d’y arriver pour admirer « les portes du temps » : combats de chevaliers, tire à l’arc et déguster un bon vin d’Hypocrasse. Eliot est tout impressionné. Ce château médiéval a reçu des ajouts à la Renaissance et au XVIe siècle, dont un angle de mur très aiguë, qui lui confère une allure de bateau. La vue sur les Cévennes est très belle et porte jusqu’au mont Lozère.

Cette région a fortement été marquée par l’exploitation de mines de charbon. A Portes, cela a causé de grandes fissures au château et l’effondrement d’une partie du village. A Alès, nous visitons une ancienne mine de charbon construite pour l’apprentissage des professions de la mine. Le guide issu d’une famille de minier rend la visite des plus vivantes et nous fait prendre conscience de la difficulté et de la dangerosité de ces métiers miniers.

A Alès, nous faisons une halte pour réparer les sacoches. Une particulièrement a été déchiré en travers, Apollon a forcé sur une branche, la boucle a bien tenue, mais c’est la sacoche qui a morflé. Il y a aussi quelques coutures à renforcer et doubler le bord de la nouvelle couverture de Basil. Nous avons du très bon matériel, mais il souffre comme 10-15 ans d’utilisation normale. Nous avons monté la tente près de 80 fois, nos sacoches et bât ont 80 jours d’utilisations (sans compter les jours avant le voyage). Nous avons dû changer un curseur de fermeture éclair de la tente, recoudre un bout de moustiquaire, changer de souliers pour Olivier. Mais cela se passe bien.

Depuis Alès, nous sommes bien bas en altitudes, vers 150m. Le paysage devient plus plat, les champs se colorent de vignes et d’arbres fruitiers (surtout entre Nîmes et St Gilles). Nous retrouvons Sabine et Roland pour 3 jours. Un puissant orage, avec une forte pluie ne nous épargne pas. La journée de marche avec Sabine est pluvieuse et elle revient le lendemain pour avoir le soleil. Après la pluie, les paysages sont magnifiques, l’air est lavé et les quelques nuages donnent de belles couleurs aux photos.

A Nîmes, nous prenons une pause pour visiter cette ancienne ville romaine : sa maison carré, son amphithéâtre, sa cathédrale et sa vieille ville. Nous avons enfin pu trouver un maréchale ferrant pour parer les sabots des ânes. Nîmes est une des villes les plus chaudes de France, mais la température est bien en dessous des normes.

Sur la route de St Gilles, un couple nous propose leur terrasse pour pique-niquer. Eliot dit : « ils sont gentils les gens, ils nous donnent de l’eau et du sirop avec des glaçons. On est gâté. Et il y a des pèches pour le dessert. »

St Gilles est en fête le week-end de notre arrivée. Nous avons droit à une abrivado, des cavaliers amènent des taureaux à travers les rues, jusqu’aux arènes et des jeunes essayent d’attraper le taureau. Nous visitons la magnifique abbatiale avec sa crypte qui renferme le tombeau de St Gilles. Au Moyen-Age, St Gilles était un haut lieu de pèlerinage et un passage vers les 3 autres pélerinages : St Jacques de Compostelle, Rome et Jérusalem.

Petites anecdotes et réflexions

Au barrage du lac de Villefort, Olivier dit : « c’est presque aussi beau qu’un barrage suisse ! ». Cela fera bien rire des touristes à côté de nous.

Un matin, dans les gestes du rangements des affaires, Eliot me dit : « maman, je peux pas t’aider, car je brosse les ânes ! » C’est tout simplement délicieux et cela montre son envie de nous aider.

Quand nos ânes sont au parc, ils reçoivent de nombreuses visites de toutes sortes. Par contre, nous devons être vigilants quant à ce que les gens leur donnent à manger. Le pire qu’on a vu, c’est du bacon. Il faut être un krutmowutz pour donner du lard grillé aux ânes !! Ils ne sont pas carnivores ! D’où vient ce besoin de nourrir les animaux de n’importe quoi ?

Eliot sait de mieux en mieux reconnaître les arbres le long du chemin : chêne, être, châtaignier, noyer, cerisier, thuya, … Un jour, en passant à côté d’un jardin, il nous annonce fièrement : « l’arbre qui donne les tomates, c’est un tomatier ! »

 

Nous avons une chance inouïe depuis le départ de notre voyage avec une météo favorable. Bien du soleil en avril et mai. Un peu de pluie en juin et juillet, juste ce qu’il faut pour reverdir les prés qui sont normalement tout secs en été au sud. Moi qui craignais d’être au sud en juillet-août pour trouver à manger aux ânes, pour le moment, nous n’avons pas eu de problème. Les champs de céréales déjà labourés sont habituellement beaux secs, mais cette année, ils sont tout vert de mauvais herbes.

Nous retenons parfois des leçons du chemin. Par exemple, les gens sont parfois avides de nous donner des conseils sur la suite à prendre. Malheureusement, il faut parfois s’en méfier, car ils font le trajets en voiture et non à pied, ce qui fausse leur appréciation des distances (2km dure vite plus d’1h) et du type de chemin possible (route goudronnée ou petit sentier méconnu).

Les aléas du chemin

Basil : « Peuchère, mes amis, quel chemin. Et quel détour. Avant une bourgade (St André-Cap-Cèze), mon bougre de compagn’âne nous oblige tous à faire demi-tour. Il ne veut pas passer un endroit entre deux rochers. D’accord, il est un peu étroit, mais moi, je l’ai passé facilement. Lui, Apollon, on dirait qu’il patauge dans le yaourt, ses sabots glissent  et il panique. Heureusement, la maman a vite pu descendre le gamin, car ça bougeait plus que dans un manège. Il devait pas aimer ça, car il hurlait. Mais je crois pas qu’il n’a eu du mal.

Même débâté, Apollon ne veut pas passer. C’est un bourricot de la plaine, pas de la montagne. Bon, c’est lui qui porte le petit, je vais pas m’en plaindre. Et voilà, que nos maîtres nous font faire demi-tour. Je les entends parler et comprends quelques mots comme : « passage difficile plus loin, prudence, débâter à nouveau, attention. » Bon, c’est vrai que le chemin plus bas est meilleur. Mais leur panneau qui signale ce chemin, les gens auraient pu le mettre à la bifurcation, pas après le passage difficile. Paroles d’ânes »

Apollon : «  Moi, je veux vous parler d’une journée de goudron, sacrebleu et quelle montée. A une croisée, nos maîtres parlent de raccourcis par la route. Bon, jusque là, pourquoi pas. Mais les 2-3 km de routes durent en fait plus d’1h30 de marche, sur du goudron, sous le soleil et en montée. Bon, heureusement, le gamin fait la sieste chez son père. Vous savez, nous les ânes, nous connaissons aussi la loi de Murphis. Quand tout va mal, tout va encore plus mal. Car en fait de raccourcis, c’est un détour. C’est à une croisée de route que nos maîtres décident enfin de nous laisser brouter un peu à l’ombre d’un cerisier. Quel festin pendant qu’ils essayent de savoir où nous sommes.

Nous les ânes, nous ne sommes jamais perdus, tant qu’il y a de l’herbe bien tendre. J’entends dire que le GPS est en panne, que l’humain ne trouve pas les piles rechargées et qu’en plus cette route que nous avons pris ne figure pas sur la carte du guide. Cette nouvelle route qu’ils disent, un gars du village dit qu’elle a 20 ou 30 ans! Il pourrait au moins mettre des cartes récentes dans les guides pour éviter aux âniers de faire des âneries en prenant des raccourcies. Car en plus, ils nous font faire à nouveau 2 km pour rejoindre le « vrai » chemin. Quelle journée mes ânis. »

Basil : « Nos bourreaux sont redevenus des âniers digne de ce nom. Ils nous ont enfin remis un parc où l’on peut se promener un peu. Bon, vous me direz que l’on se promène toute la journée et vous avez raison. Mais un peu plus d’espace pour se rouler et se reposer nous fait du bien. Ils ont laissé les chaînes aux Romains. Par contre, ils nous ont mis de l’électricité, quelle affaire cette histoire, pas drôle pour nos museaux si sensibles. »

Apollon : « Nous avons fait une bonne farce à notre maître. Il était venu pour nous déplacer le parc et nous donner plus d’herbes. Mais cette ouverture du parc, c’était tellement tentant. Alors quand mon comparse a pris ses pattes à son cou, je me suis empressé de le suivre. Notre Olivier essaye de nous rattraper, mais il devra faire 3 fois le tour du camping pour nous choper. Et même que pour sa fierté, c’est la petiote qui nous a attraper. Bon, on s’est bien défoulé et tous les gens sortaient de leur cabane en dure ou en toile pour nous voir passer. Quelle popularité ! »