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Coup de coeur au Vercors

Après un séjour à St Hilaire du Touvet assez maussade, la descente par le sentier du facteur se fait par un lundi ensoleillé. Heureusement que nous avons été conseillés par un couple d’ânier, Bernard et Martine, ayant fait le chemin avec leur âne, car sinon, nous aurions fait marche arrière. Le sentier passe dans la face de rocher et se fraie un passage assez large, sans toutefois permettre un faux pas. C’est impressionnant, merveilleux et stressant à la fois. Nous sommes contents d’être en bas pour lever la tête et voir le chemin parcouru (cf photo ci-dessous).

Avec les quelques 800 m de descente, la température est plus clémente, mais la météo s’en donne à cœur joie. Le soleil alterne souvent avec la pluie et les nuages. D’autres bestioles nous visitent, dont les moustiques et une espèce de perce-oreilles qui s’engouffre dans nos bagages sans y être invitée. Elles se faufilent partout et ça n’est pas très ragoûtant.

La pluie ne gêne pas du tout Eliot qui se promène sans souci avec sa combinaison de pluie. Cela le stimule même à marcher pour sauter dans les gouilles, pardon, les flaques d’eau, car les Français ne connaissent pas les gouilles. Il veut de plus en plus marcher et cela nous réjouit beaucoup. Il nous faut simplement nous organiser avec les ânes.

Nous longeons ensuite l’Isère par un joli sentier, à côté de la piste cyclable. Celui-ci nous permet de  traverser la périphérie de Grenoble dans un coin de nature et d’arriver directement au centre de la ville. N’ayant plus de vivre, nous prenons la première source d’alimentation à disposition. Elle se présente à nous sous la forme d’un restaurant Indien qui propose un buffet à volonté pour 10 euros. Nous demandons l’autorisation de « parquer » les ânes à côtés de la barrière. Le patron trouve notre expérience tellement génial qu’il nous offre les boissons. En plus d’être une super aubaine, c’est délicieux et nous nous resservons plusieurs fois.

Le 8  juin, la traversée de Grenoble coïncide avec une course cycliste contre la montre du Critérium du Dauphiné, qui bloque le boulevard qu’Olivier avait prévu de suivre. Nous nous en sortons pas trop mal, entre les petites rues, les trottoirs trop étroits avec voitures parquées que l’on risque de griffer, la circulation que l’on bloque. Après quelques détours, nous retrouvons notre boulevard dont le trottoir est bien large. Les ânes sont très obéissants : ils n’ont même pas fait de crottes après le resto. Perché sur son siège, Eliot reste bien tranquille. Bref, la traversée de Grenoble se passe sans encombre, malgré l’appréhension de Sonia des grandes villes.

Nous commençons la montée sur le Vercors, à peu près 800 à 1’000 m de dénivelés, et disons au revoir à la Chartreuse. La ville de Grenoble est encaissée entre ces deux massifs imposants, dont il faut forcément descendre de l’un pour monter vers l’autre.

Le Vercors nous réserve de magnifiques paysages que l’on déguste à pleine vue. Avec l’altitude, la fraîcheur du soir nous fait apprécier les doudounes. Le vent souffle fort durant quelques jours et nous sortons le sac de couchage pour mettre sur le siège à Eliot.

A Villard-de-Lans, nous avons la visite de la marraine -avec Christophe- et du parrain d’Eliot -avec les motards-, venus par hasard à la même date.

Nous prenons toutes les informations avant la grande traversée de la réserve naturelle des hauts-plateaux du Vercors. Cela va nous prendre 5 jours et nécessite une autonomie presque complète, exceptée pour l’eau. Il existe quelques sources dont il faut savoir la position. En plus, nous demandons conseil à un ânier pour être sûr que les ânes passent sur les chemins choisis. Merci à Nicolas pour tes conseils.

La traversée de la réserve est superbe, sauvage et en dehors de toute civilisation. C’est le bonheur. Nous logeons parfois dans des cabanes, ouvertes et mises à disposition des randonneurs contre bon soin. Deux sont très petites, avec seulement un lit superposé, une table et 2 bancs, le tout prévu pour 5 personnes, les lits prévus étant à même le sol.

C’est très rustique, mais charmant, au cœur de la nature. Le paysage est très caillouteux, beaucoup de calcaire, avec des lapiaz creusés par l’eau, des sapins, puis des pins.

Le chemin est indiqué alternativement par les traits rouges et blancs du GR, des cairns et des pins ou sapins dont les branches du bas sont taillées. C’est bien signalé, mais il faut être attentif.

Le GPS nous aide, même s’il ne faut pas s’y fier coût que coût. Il a une fois bogué et nous a fait faire demi-tour pour nous trouver à un point – une source d’eau – que l’on connaissait. Le GPS nous positionne à côté. Une fois éteint et rallumé, il se remet juste et nous pouvons reprendre le chemin une 3ème fois.

La réserve est colorée de multitude de fleurs, le bouton d’or de notre enfance, la gentiane, l’anémone et l’édelweiss. Encore pleins d’autres espèces dont nous ne connaissons pas le nom. Quelques marmottes nous font le plaisir de leurs sorties, mais notre arrivée est vite signalée par les sifflement de leurs comparses.

Dans les cabanes, nous faisons de belles rencontres humaines qui nous invitent au partage et à la confidence : Chrystel et Christophe, Nicolas… Nous avons la chance de voir deux transhumances de moutons. Une fois sur la plaine de la Chau où la bergère nous annonce l’arrivée de 1’800 moutons alors que nous rangeons la tente. Eliot est tout fou. « Youpi » dit-il, avec toutefois un peu d’appréhension. Deux jours après, dans la descente vers Die, nous croisons la route de 1’200 moutons qui montent à l’alpage.

Nous avons fêté l’anniversaire d’Olivier à la cabane des Aiguillettes, point le plus haut de notre itinérance perché à presque 1’850 m. Fête improvisée avec 3 madeleines et quelques bougies trouvées sur place, du bonheur à l’état pur, embué légèrement par le brouillard.

Nous retrouvons la civilisation dans la descente vers Die, ainsi que les retrouvailles avec les grands-parents d’Eliot et les bonnes bouffes. Nous faisons honneur à la Clairette et attendons avec plaisir la fête de la transhumance samedi 25 juin. Les ânes ont trouvé un endroit de rêve pour les quelques jours de repos. Eliot a trouvé une copine de jeu en la personne de Mathilde, une petite cousine, qui est là avec ses grands-parents pour voir la transhumance. Le soleil nous permet de faire sécher toutes les affaires humidifiées par la pluie.

Compagnon’ânes

Parole aux ânes :

Après quelques jours d’une bonne herbe tendre à St Hilaire avec 3 autres comparses à grandes oreilles, nos âniers reprennent le chemin. Ils font moins de bêtises. A part nous faire descendre une montagne  pour monter peu après sur la côte d’en face.

Un soir, notre guide nous plante dans un pré et part. On ne le voit plus. Tout d’un coup, deux coups de feu retentissent juste à côté. Olivier accourt pour dire qu’ils dorment un peu plus loin. Le gars affirme qu’il a le droit de tirer des ragondins qui lui mangent ses cultures. Ils ont eu bien peur.

Un peu plus loin, il nous font traverser une grande ville. Jamais vu autant de voitures et d’immeubles. Quelle folie mes ânis. Pas un coin d’herbes à brouter. Mais là au moins, les gens nous comprennent, nous les ânes. Ils nous plaignent du poids que l’on porte, pas comme dans les campagnes où les gens trouvent cela normal.

Bon, nos maîtres, on les aime bien. Surtout le petit qui nous fait de gros câlins. Il nous confie des secrets en nous caressant les oreilles. Même une fois, le gamin nous a filmé en nous demandant de raconter quelque chose.

Nos maîtres nous font plus confiance et nous leur rendons bien. Ils nous laissent brouter un peu sans être attaché. Ma foi, nous ne voulons pas partir, pour aller où ? Nous sommes perdus sans eux. Même qu’ils sont d’accord de lâcher un de nous à tour de rôle pour donner la main au petit qui marche. Bon, ils ne nous lâchent pas encore les deux, mais ça viendra peut-être…

Un jour, Olivier nous laisse enchaînés à côté de succulentes salades. C’est un supplice trop tentant. Lui qui se croit plus malin que nous a mal fixé le piquet. Nous profitons qu’il s’éloigne pour aller croquer la tendre laitue. Il se fait bien réprimandé par le propriétaire du camping.

Basil : « Une autre fois, mon bon maître a voulu me faire passer dans une rivière. J’ai vite compris l’arnaque, car nous n’étions même pas bâtés. Il voulait nous tester, alors j’ai  mis les pieds dans l’eau sans faire d’histoire, pour que ça aille plus vite. Apollon nous a suivi. Mais moi, je l’ai bien eu, car j’ai fait mes besoins dedans. Il était tout embêté, surtout la pitchoune qui faisait la mou et s’excusait auprès des gens qui nous regardaient. Ca leur apprendra à nous mettre dans l’eau pour le plaisir. »

Apollon : « Le maréchal ferrant est venu enfin voir mon sabot, qui est devenu un peu sensible. Un trou s’est formé là où j’ai eu mon abcès avant de partir en voyage. Heureusement, sur les conseils de Sébastien (merci maréchal), mon maître me met du goudron de Norvège pour consolider la paroi. Le lendemain, je m’écorche le sabot sur une caillasse et, grâce au goudron, mon sabot ne me fait pas trop mal. »

Basil : « A présent que nous sommes en plaine, nous sommes tous les deux dans un parc de rêves, immenses je vous dis, avec pleins d’ombre. Nous pouvons prendre quelques jours de repos bien mérités. Même que c’est notre maître qui doit marcher pour nous trouver. »